15 November 2006

Les enjeux de la présidentielle

Je remarque que je n'ai pas avancé ici les arguments principaux qui font que je m'oppose à Ségolène Royal dans la "course à l'investiture".

Tout d'abord, je reconnais qu'aucun candidat PS ne suscite l'engouement populaire. Mais il est un peu tôt pour assister à de tels engouements. Quand je dis que je m'oppose à la candidature de Ségolène c'est que précisément je n'adhère pas en particulier à l'une ou l'autre des candidatures. Toutefois, celui dont le positionnement est le plus proche du mien est Laurent Fabius. D'autre part, je crois qu'au delà des sondages d'opinion Fabius a la plus grande capacité à gagner.

Petit tour d'horizon des différents candidats et de leur positionnement. Il ne s'agit pas de savoir qui est le plus de gauche mais bien plutôt qui représente une alternative crédible à la droite. Que signifie aujourd'hui être une alternative crédible à la droite et au libéralisme mondialisé ? A mon sens, cela réside en la capacité de proposer des politiques dans différents domaines (santé, logement, emploi ...etc.) qui permettront de contrôler le marché. Ce contrôle s'exprime ou non par la mise en place de service public auquel cas un secteur économique échape quelque peu à la logique libérale. Mais dans d'autres secteurs qui ne relèvent pas du service public, il s'agit plus de mettre en place des mécanismes de contrôle. Alors pourquoi mettre en place ces mécanismes de contôle ? Parce que contrairement à ce qu'affirme les libéraux le marché ne s'auto-régule pas: il ne permet pas un équilibre dans la répartition des richesses. Et précisément ces mécanismes de contrôle visent à tenter une répartition des richesses.
Cette analyse étant posée, ils se posent alors plusieurs questions autour des solutions à apporter: quels mécanismes, dans quels secteurs, comment ...etc. Mais il se pose également une question essentielle et qui est au coeur de la différence entre les différents candidats: Qui va décider, discuter, exécuter ces politiques ? C'est la réponse à cette question pour les différents candidats qui les distingue et indique en fait leur positionnement politique réel. En effet, sur l'analyse que je viens de faire, même Sarkozy a déclaré récement qu'il faut "contrôler" la mondialisation. Certes, Sarkozy est un populiste, mais même à droite certaines sensibilités ne sont pas pour le tout libéral et encore moins pour le capital mondialisé. Donc la méthode est également un indicateur de la volonté politique réelle.

Je vais essayer d'exposer ces différences de méthode en prenant l'exemple du dialogue social. Par dialogue social, j'entends les questions économiques qui font l'objet de discussions entre syndicats de salariés et syndicats du patronat. Ces questions économiques concernent donc, entre autre, la durée du temps de travail, les retraites et la sécu qui sont gérés paritairement par les CPAMs, le revenu minimum (smic).

Commençons par Ségolène Royal, elle a affirmé que les décisions en matières de négotiation salariales (retraites, sécu ...etc.) devaient se faire au niveau régional. Comme à son habitude, elle n'a pas expliqué précisément comment. Elle a par ailleurs dit "le contrat doit se substituer à la loi". Cette phrase est d'un libéralisme absolu. Car c'est la loi qui permet la diminution des inégalités. Cette phrase signifie, replacée dans son contexte: le contrat de travail doit se subsituer au code du travail. On peut aussi pousser la logique plus loin: le contrat entre deux entreprises doit il se substituer au droit du commerce?, le bail entre un locataire et un propriétaire doit il se substituer à la loi? ..etc. Ce genre de phrase ne passe inaperçu que lorsqu'une personnalité de gauche les prononce, Laurence Parisot aurait eu au minimum droit à une réponse en règle des syndicats si elle avait eu la même affirmation.
Passons maintenant à la proposition de DSK sur le même sujet, le fameux pacte-élyséen. Déjà on rentre dans une proposition un peu plus élaborée et plus conventionnelle (ou moins lunaire si vous préférez). Les syndicats représentants les salariés et le patronat discutent, sous l'égide du président de la République de la "redéfinition d'un compromis social". Mais, dans cette proposition, DSK reste très floue sur le rôle du chef de l'état ou du gouvernement. Qui va trancher en cas de désaccord ? Les intérêts des uns et des autres sont assez opposés sur certains aspects (un vieux barbu du 19ème appelait ça la "lutte de classe", depuis, à cause d'autres barbus et surtout d'un moustachu c'est une expression très connotée). D'autre part, son idée de pacte éliséen permet à DSK d'éviter certaines questions comme : va-t-il remettre en cause la loi Fillon sur les retraites ? (F. Hollande l'a promis au congrès de Dijon à Bernard Thibault et des milliers de militants)
Enfin, Laurent Fabius proposent d'utiliser la loi comme instrument de régulation en faisant des propositions telles que l'abrogation du CNE, l'augmentation de 8% du smic puis le porter à 1500euro brut ...etc. Pour l'avoir écouté ce matin sur France Inter, sur la question des régimes spéciaux des retraites, il propose une concertation nationale entre syndicat. Il peut smebler que sa position différe peu de celle de DSK sur la méthode, mais il est plus affirmatif sur des lois précises à mettre en place sans faire intervenir de concertation nationale. L'exemple type concerne le SMIC qui, pour DSK, sera l'un des sujet de négotiation du pacte.

Ces différences de proposition de méthodes pour mener le dialogue social et arriver à un compromis social permettant une meilleure répartition des richesses sont donc essentielles dans le positionnement politique. Car la méthode peut donner l'avantage à l'un ou à l'autre des acteurs. Par exemple, si chaque salarié négocie son temps de travail lors de l'entretien d'embauche, étant donné le taux de chomage, on peut parier qu'il acceptera de travailler beaucoup plus que 35h. En revance, si la loi dit 35h, cela ne signifie pas forcément qu'elle est respectée mais un salarié qu'on obligerait à travailler plus sans contre-partie aurait la possibilité de faire appel à la justice.

Enfin, le positionnement politique de chacun va jouer un rôle dans sa capacité à rassembler la gauche. Beaucoup de nouveaux et anciens militants du PS, pleins de mépris (il s'agit vraiment de mépris) pour le reste des formations politiques de gauche, ont oublié que le PS n'a jamais gagné seul. Ils oublient aussi que beaucoup de ceux qui votent pour l'extrème gauche au premier tour ou pour le PC voteront peut être pour le candidat du PS au deuxième. Et ce "peut être" est important, car il faut que le candidat PS devienne le candidat de la gauche et doit donc avoir un positionnement clairement alternatif à celui de la droite. Cela ne signifie pas que ce positionnement doit être révolutionnaire mais réellement réformiste et progressiste et non "moderniste" (aujourd'hui les réactionnaires utilisent beaucoup la thématique de la modernité, je lui opposerait donc celle du progrès). Pour battre la droite au premier et au deuxième tour, il faut rassembler la gauche (environ 26% des voix en 2002)... pas le centre (7% pour udf en 2002).

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